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S'Eteindre (Penderecki, Pendant La Fin Du Monde)

by Julien Palomo

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Requiem? 42:18
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La Passion 24:51
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about

Krzysztof Penderecki... Ouais. Il s'est pas mal démerdé. Le petit sapajou. Il a déboulé dans le jeu des chiens comme une quille faite d'un alliage inconnu sur terre, a tout pété, puis fort de son succès et des positions que celui-ci lui aura permis d'occuper, a fait passer la pillule de beaucoup, beaucoup d'oeuvres néo-classiques lénifiantes tout en retenant son aura de révolutionnaire. Mais il était honnête. Il le reconnaissait. On a l'énergie qu'on a, et vint un moment où il n'a plus entendu. « Un pas de plus, et vous détruisez l'instrument. Je l'ai presque fait. »

Ça l'a chiffoné, puis perdu, cet attrait pour la forme. Fallait que ça tienne selon des lignes déjà connues, sinon personne n'aurait écouté. L'important c'était de foutre le bordel entre des bornes convenues. Il le dit ailleurs – pas envie de faire du John Cage, de se lancer dans des débats interminables sur la forme, sur ci, sur ça, parce que les débats interminables finissent par enterrer la réception et le plaisir de l'oeuvre sous les plaisirs délictueux, élitistes du discours théorique sur l'oeuvre. Ce que je me permets de faire, au passage. Sorry, not sorry.

Il n'a pas donné beaucoup d'interviews mais quand il s'exprime, on le sent goguenard sans y toucher. « Je commence avec une partition graphique de l'oeuvre dans son ensemble, puis je remplis les blancs. » Ah ! C'est déjà plus sympa, ça. Moins classique. À un moment ça m'a frappé – je pouvais le relier à la musique électronique, à l'utilisation des synthétiseurs – on les programme, on les « patche » s'il s'agit d'un modulaire, cela fournit une grille des événements qui vont jalonner la composition, et aussi un début de grille de lecture de celle-ci, mais ça laisse de l'espace pour autre chose, où peut-être la magie va opérer. Et puis un jour je suis tombé là-dessus : « Il y a quelque chose qui m'arrive, et pas qu'à moi, mais à beaucoup, beaucoup d'autres. Mon imagination est bien plus riche que ce que j'ai la capacité d'écrire. Quand je suis fatigué, je rêve parfois de la pièce sur laquelle je suis en train de travailler, et je me réveille avec des idées neuves, et je ne suis pas vraiment capable de les retranscrire. Un certain pourcentage, c'est tout. Diriger mes propres pièces, c'est revenir à quelque chose qui a été perdu, quelque chose dont on ne peut pas vraiment décrire la couleur, surtout la couleur de l'orchestre, parce que la forme est désormais fixée. Mais il y a beaucoup de façons de diriger la même pièce. »

Quelque chose qui a été perdu. Courir après la jeunesse de l'inspiration, après les intentions que l'on avait peut-être, après les compétences que l'on n'avait pas encore, tricher gentiment avec ce pourquoi on a connu le succès, ou l'insuccès. Se connaître plus pertinent dans ce que l'on peut difficilement connaître de soi-même, le songe, l'inconscient, et lui faire pratiquement plus confiance qu'au personnage titré, encravaté, admiré...

Ce n'est peut-être qu'un fantasme tout personnel ; ces quelques réflexions donnent une couleur, puisque la couleur l'obsédait, une couleur toute différente à l'omniprésence du religieux dans sa musique. Pouvons-nous être sauvés ? Dans une perspective religieuse, certes. Première lecture. Pouvons-nous être sauvés ? Dans une perspective autre. Deuxième lecture ? Sauvés de qui, de quoi ? De soi peut-être ? Est-ce que Penderecki utilise le religieux pour brouiller les pistes, alors que s'éteint un monde, et surtout les illusions dont ce monde était porteur ? A la croisée de ces illusions, se tenait Penderecki. Avec son œuvre. Qui voulait ressusciter la foi, mais avait voulu auparavant ressusciter la liberté de penser, de s'exprimer, d'expérimenter avec les formes, et les forces. Et il s'éteint en 2020. Avec ce monde, et ses illusions. Il est presque ce que j'en regrette, de ce monde. Né en 1978, j'en ai connu la fin, sans vraiment profiter de ses largesses. Ce long poème symphonique synthétique a été composé pour accompagner son Ascension. Il est un des tout derniers à être montés là-haut, j'en suis certain. Déjà un homme en bleu de travail vient apposer l'affichette « en panne » sur l'Ascenseur. Je me contenterai du rez-de-chaussée comme tant d'autres. Il n'y a presque plus rien dans le distributeur de snacks. Thanks, no thanks.

S'éteindre, est le non-événement ultime, le passage du monde des phénomènes et de leur individualité (individualisme), à la quiétude vibrante, égalitaire, des atomes. Un tout qui, comme compositeur, m'intéresse plus que le charivari des sociétés, de leurs grandes figures, que les vues de l'esprit. Cette pièce essaie de rendre impression de ce retour au non-événementiel en s'efforçant de n'adopter aucun contour défini, en proposant des itérations non définitives de son petit postulat. Elle aimerait bien ainsi retrouver le conflit contre la norme qui a présidé à la naissance des œuvres de Penderecki (« je veux libérer les sons au-delà de toute tradition », ah, l'innocent), opposant son caractère amorphe aux demandes de formatage du marché de l'art. Elle s'insère dans une durée qui résiste à l'impératif d'achèvement de l'oeuvre. Pour aller sur le terrain de Brian Eno, qui ne m'intéresse pas souvent, on peut trouver à une œuvre une qualité toute autre que l'attention qu'on lui porte. Elle va là, certes, un peu contre les conclusions de l'octogénaire à qui elle veut rendre hommage mais, je le redis, dans une autre position que la sienne, il aurait peut-être été chercher ce « quelque chose qui a été perdu » par le morveux de 27 ans qui faisait du génocide atomique son premier grand sujet et avertissement, il se serait peut-être « sauvé ». En courant ? J'essaie, moi, de le sauver, par le courant, celui qui parcourt les circuits de mon instrumentarium. Puisqu'il ne l'a pas fait, je déplace, moi, les frontières de la mort, titre de la pièce qui ne referme pas cette composition.

credits

released November 13, 2020

Julien Palomo: modular synthesizer (eurorack), ARP 2600, ARP Sequencer, EMS Synthi E, Waldorf Microwave XT, Korg Z1, Akai S950.

Studio IB2.0, Palaiseau, France, April 1st-May 6, 2020.

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